La réception est un moment déterminant en droit de la construction.
En application de l’article 1792-6 alinéa 1 du Code civil, la réception est l’acte par lequel le maitre de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserve.
En d’autres termes, la réception implique un examen par le maitre de l’ouvrage des travaux réalisés, qui une fois cette vérification faite, va accepter de recevoir l’ouvrage, au besoin en émettant des réserves.
La réception marque aussi le point de départ unique des garanties légales des articles 1792 et suivants du Code civil, à savoir les garanties de parfait achèvement, biennales et décennales.
En pratique, la réception est organisée amiablement par le constructeur.
Ce dernier propose au maitre de l’ouvrage de procéder à la réception lorsqu’il juge que la construction est finalisée et conforme aux pièces contractuelles.
Un procès-verbal est alors établi formalisant l’acceptation par le maitre de l’ouvrage des travaux et dressant, s’il y a lieu, une liste de travaux à parfaire ou à reprendre.
La réception amiable constitue le mode normal d’acceptation de l’ouvrage.
Mais la jurisprudence a également dégagé une autre forme de réception dite « réception tacite ».
Celle-ci suppose que des agissements du maître d’ouvrage puissent impliquer une volonté non équivoque de sa part de recevoir l’ouvrage.
Cette forme de réception est généralement invoquée à l’occasion d’un contentieux dans lequel l’une des parties demande au juge de constater qu’une réception tacite est intervenue et ce notamment, pour pouvoir prétendre à l’application d’une garantie légale ou à l’inverse pour exciper de la forclusion de l’une de ces garanties.
A cet égard, une jurisprudence récente de la Cour de cassation est venue rappeler les conditions utiles à la démonstration d’une réception tacite.
Il s’agit de l’arrêt rendu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation et daté du 13 juillet 2017(n° 16-19438).
« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 19 avril 2016), que M. et Mme X.. ont confié des travaux de maçonnerie à la société Yvon A…, assurée auprès du GAN ; que M. Y… a réalisé le remblaiement autour et au-dessus du garage et de la cave ; qu’invoquant des désordres, M. et Mme X.. ont assigné la société Yvon A… et M. Y… en réparation de leur préjudice ; que la société Yvon A… a appelé en garantie son assureur, le GAN, et M. Z… ;
Attendu que la société Yvon A… fait grief à l’arrêt de dire que le GAN n’est pas tenu de la garantir des condamnations prononcées au profit de M. et Mme X.., alors, selon le moyen, que la réception tacite d’un ouvrage résulte d’actes du maître de l’ouvrage témoignant de sa volonté non équivoque de recevoir cet ouvrage ; qu’en se fondant, pour écarter la réception tacite des travaux, sur la circonstance que l’entrepreneur n’avait pas contesté, au cours des opérations d’expertise, que les maîtres d’ouvrage n’habitaient pas dans l’immeuble atteint de malfaçons, sur l’existence d’un solde de facture restant dû par les maîtres de l’ouvrage, ainsi que sur des courriers de réclamations adressés en recommandé avec accusé de réception par ceux-ci les 29 mars 2004, 17 août 2004 et 30 novembre 2004 à l’entrepreneur, soit plus d’un an après l’achèvement des travaux, la cour d’appel, qui s’est prononcée par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, qu’il appartenait à la société Yvon A…, qui invoquait une réception tacite, de la démontrer et relevé que M. et Mme X.. habitaient l’orangerie, non affectée de désordres, et non le moulin, objet des désordres, et que la société Yvon A… ne pouvait se prévaloir du paiement des travaux puisqu’elle leur réclamait le solde de sa facturation, la cour d’appel, qui a pu en déduire qu’en l’absence de preuve de la volonté des maîtres de l’ouvrage d’accepter celui-ci, la réception tacite ne pouvait être retenue et que seule la responsabilité contractuelle de la société Yvon A… pouvait être recherchée, a légalement justifié sa décision de ce chef…. »
Dans cette espèce, le maitre de l’ouvrage a agi en responsabilité contractuelle contre son maitre d’œuvre du fait de désordres observés sur l’ouvrage.
En l’absence de procès-verbal de réception, seule l’action en responsabilité contractuelle a été mise en œuvre, aucune garantie légale ne pouvant à ce stade être mobilisée.
Le maitre d’œuvre, afin d’obtenir la couverture de son assureur de responsabilité décennale, a entendu avancer l’existence d’une réception tacite, prétextant la prise de possession de l’ouvrage par le maitre de l’ouvrage.
Cependant, l’absence d’occupation d’une partie des lieux affectés de désordres par le maitre de l’ouvrage, l’envoi de plusieurs courriers de réclamations, ainsi que l’absence de paiement intégral du maitre d’œuvre ont conduit les juges à écarter l’existence de la réception tacite.
En l’absence de réception, les garanties légales des constructeurs ne peuvent être invoquées par le maitre d’œuvre et, en conséquence, l’assureur dédié à la couverture de ces garanties n’avait pas vocation à garantir les condamnations prononcées contre le constructeur sur le seul terrain de sa responsabilité contractuelle.